Née le premier mai, je suis la deuxième des triplées à être sortie du ventre de ma mère. Parfois, les gens se plaignent quand ils savent qu'ils sont enfants uniques, on ne pouvait pas dire que j'avais ce problème-là. J'ai deux sœurs qui me ressemblent comme deux gouttes d'eau et une petite sœur âgée de deux ans de moins que nous. Une grande famille composée principalement de filles, chose qui ne représentait pas toujours un avantage, surtout en période de crise. Je me suis toujours sentie différente, et pourtant, je ne sortais pas du lot. J'avais mes problèmes comme les autres, des envies et un caractère propre à ma personne. Néanmoins, j'avais cette impression de néant dans tout mon être, l'impression que ce que vous faites ne sera jamais assez bien ou que vous ne serez jamais à la hauteur. J'avais peur de disparaître et de tomber dans le néant, mais je n'en parlais pas, ayant bien trop peur d'être prise pour une folle ou d'être recadré pour ce manque de confiance que j'avais en moi. J'avais toujours l'impression de ne pas être à la hauteur de mes deux autres jumelles, et je tombais dans ce cercle vicieux qui été communément appelé, l'apparence. J'ai commencé à manger, et à vomir après chaque repas, ça devenait presque une nécessité, un besoin pour me soulager. Et plus je le faisais, plus je me sentais bien. Jusqu'au jour où ma mère avait voulu avoir une discussion avec moi. Pourquoi tu fais ça ma chérie ? Tu es magnifique. Regarde-toi. Qui ne craquerais pas pour toi ? Je souriais, pas vraiment convaincu de ce qu'elle avançait et pourtant, je savais que cette maladie que j'avais adoptée, pouvait finir par me détruire. Les gens se moquent de moi. Le lycée, c'est affreux ! Je déteste ça. Tout est question d'apparence... J'inspirais profondément en passant une main quasi-nerveuse dans ma tignasse rousse. Ma mère se redressa, m'afficha le plus beau de ses sourires et m'embrassa le front avec amour. Je l'avais toujours admirée, un vrai modèle de pureté qui ne méritait que le respect des autres. C'est pour ça que j'avais arrêté de me faire vomir, pour elle, elle le méritait et je ne voulais pas qu'elle se fasse plus de soucis pour moi. Aujourd'hui, je m'assume comme je suis, je n'ai plus peur des préjugés et j'emmerde royalement les gens qui me regardent de haut.




Sarah, tu devrais vraiment arrêter de traîner avec ce genre de gars. T'es pas ma mère. Notre petite sœur Sarah avait toujours eu ce caractère volage et un peu rebelle, en temps normal, elle ne faisait pas attention à ce qui pouvait se passer par la suite. Ma grande sœur Azraël tourna un regard suppliant dans ma direction et celle de Tessa, et la seule réaction que j'eus, fut de hausser les épaules avec nonchalance. Je n'étais pas du genre à me préoccuper du problème des autres, je n'aimais pas vraiment me mêler de la vie des gens, même s'il était question ici de ma petite sœur et de ses fréquentations. On devrait s'arrêter manger. Je ne disais rien cette fois non plus. Depuis ma période de boulimie, je ne mangeais pas beaucoup, disons que je faisais la fine bouche sur de nombreux aliments. J'ai envie de pisser. La voiture s'arrêta un instant et je souriais alors -enfin une expression sur ce visage si morne- Jt'accompagne miss rebelle. Je sortis alors de la voiture avec elle puis me dirigeais jusqu'aux toilettes du fast-food. Il paraîtrait que j'avais de fort problèmes de vessie, hors, n'en croyez pas un mot, ce n'était que pur mensonge. Tu m'attends quand t'as fini baby. Je souriais puis entrais dans une cabine. Lorsque j'en sortie, Sarah n'était plus là, ce qui provoqua chez moi un haussement de sourcils exaspéré. Sale môme. Je me lavais les mains, alors que je sortis quelques secondes plus tard, mon regard se posa sur Sarah qui était adossée contre un poteau, probablement en train d'attendre qu'Azraël ait passé les commandes et avance avec la voiture. Mon téléphone tomba alors par terre, je soufflais avec exaspération alors que je lâchais ma petite sœur du regard pour ramasser mon téléphone. J'entendis alors crier, et mon regard se redressa aussitôt. SARAAAAAAAH ! Je me mettais à courir dans sa direction alors qu'une personne vêtue de noire la fit monter dans sa camionnette et l'emmena loin. Je ne cessais de crier le prénom de ma sœur, espérant que tout ceci n'était qu'une mauvaise blague. Personnes n'avaient bougé, tout le monde avait observé et Sarah avait disparu.




Trois ans avaient passé depuis l'enlèvement de Sarah, et j'avais l'impression que ma vie n'avait pas changée, alors qu'elle avait vraiment bougé. J'avais été admise à Columbia pour faire des études d'informatique. C'était ma voie. J'étais devenue une hackeuse hors pair, une des meilleures de la ville. Les gens venaient à moi pour me demander de l'aide à trouver une personne proche d'eux, ce que je faisais. Fêtarde, je détestais tourner en rond dans mon appartement, repensant sans cesse à ce que j'aurais pu faire pour Sarah si j'étais sortie plus rapidement des toilettes. Je m'en voulais, j'avais l'impression que c'était de ma faute, et pourtant, on me répétait sans cesse que ça ne servait à rien que je me blâme. Je sortais beaucoup en boite, ou dans des bars, et même si je n'étais pas un exemple de sociabilité, j'aimais me vider la tête en me lâchant un peu le soir. J'étais un peu une fille de la nuit. Tu danses chérie ? Je posais mon regard vert sur un garçon qui venait m'aborder, encore un qui voyait trop grand. Quand je serais vieille, désespérée et enterrée, je prendrais en compte ta demande. Aujourd'hui ? Je préfère prendre un bus plutôt que de danser avec toi. Je souriais alors avec hypocrisie, l'observant de bas en haut. Recaler les gens, c'était plutôt cool, en temps normal, j'étais assez franche et je m'en fichais de blesser les gens avec ce que je pouvais dire. Je vivais en colocation avec ma meilleure amie, j'avais l'impression qu'elle était l'une des seules personnes à me comprendre et pourtant, je savais que je pouvais compter sur mes jumelles, mais après l'accident du fast-food, les voir me faisait presque du mal. Je vivais ma vie de mon côté, encore rongée par le passé.